Arrivée de Taruccah

Attendre, attendre, encore attendre. Dans la nuit noire et intense, profonde et froide, sous cette pluie qui battait dehors, Taruccah était exaspérée. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle attende ? Pourquoi ne faisait-elle jamais attendre les autres ? Il était tellement tard qu'il n'y avait maitenant plus un bruit dans la gare. Elle avait déjà dû attendre durant deux heures le train qui allait de Fukuoka jusqu'à Tôkyô parce qu'il y avait eu des problèmes techniques et le trajet l'avait ennuyé à un tel point qu'elle ne sentit plus ses jambes lorsqu'elle se releva. Alors qu'elle descendait du train et qu'elle ne le voyait pas l'attendre sur le quai, elle se dit qu'il était peut-être un peu en retard. Ce genre de compromis arrivait, malgré tout. Mais une demi-heure plus tard, elle commençait à se demander s'il ne l'avait pas déjà oubliée, tandis qu'elle l'avait appelé douze minutes seulement avant d'arriver enfin à destination, histoire qu'il ait le temps de se rendre sur la place. "Je serai là, promis !" avait-il dit et elle savait déjà qu'il ne tiendrait pas sa promesse. Elle avait ensuite parcouru tous les étages du parking, sans succès et était revenue sur le quai au cas où il arriverait quand même. Il lui avait quand même fallu une heure et demi pour se décider à partir de la gare, sinon les veilleurs de nuit allaient la prendre pour une SDF, ce qui était proche d'être le cas, en fait...

Cela faisait maintenant vingt minutes qu'elle marchait péniblement le long d'une grande artère tokyoïte et elle se demandait à chaque instant si elle n'avait pas déjà loupé la rue qui la menait au pensionnat. Avoir attendu exactement cinq heures en tout depuis vingt heures faisait qu'il était environ deux heures du matin maintenant et elle se disait que, même si elle parvenait à trouver le pensionnat qu'elle était censée rejoindre, les portes seraient fermées et ce serait encore quelque chose de plus à attendre. Elle irait dans un hôtel proche pour finir la nuit et s'y rendrait en taxi le matin venu. Alors qu'elle songeait à tout ça, une cigarette à la bouche pour moins sentir le froid sur ses joues, une voiture s'arrêta à sa hauteur. Elle ralentit le pas parce qu'il s'agissait peut-être enfin de lui, mais, évidemment... L'homme avait une quarantaine d'années bien tassées et il avait une allure un peu bizarre, avec ses cheveux longs tenus en chignon. Il ouvrit la fenêtre du côté passager et héla la jeune fille :

- Dis, c'est combien pour la nuit ?

Taruccah ouvrit de grands yeux ronds et souffla un instant parce qu'elle avait eu du mal à saisir la question sur le coup. Finalement, elle décida de lui répondre d'un magnifique bras d'honneur et hurla dans la rue silencieuse et déserte :

- POUR QUI TU ME PRENDS, BRANLEUR ? JE PREFERE QU'ON M'ENCULE AVEC UN TRONC D'ARBRE PLUTOT QUE PAR TOI !

Ce fut peut-être à cet instant de sa vie que Taruccah se rendit compte que personne ne serait jamais là pour elle. Jamais.

...

Le réveil sonna brusquement, tirant la belle de ses songes absurdes et déroutants. Elle écarquilla les yeux et réalisa qu'il était quand même dix heures du matin. Elle essaya de se remémorer tous les faits de la veille. Il n'était pas venu la chercher à la gare et, comme tous les antipodes des héros grotesques, il n'était pas apparu au moment le plus critique. Ca lui apprendra, à Taru, à toujours garder espoir. Des années d'expérience auraient sûrement dû lui apprendre à ne pas attendre de la vie qu'elle nous ouvre les bras. Elle le savait et pourtant... C'était plus fort qu'elle. Elle était persuadée qu'un jour, quelqu'un - n'importe qui - prendrait sur lui pour l'aider à surmonter on ne sait trop quelle épreuve. Mais les obstacles de la vie se succédaient et rien, jamais rien n'apparaissait. Elle était toute seule à affronter ses erreurs. Elle était toujours toute seule.

Il était donc midi lorsqu'elle se pointa enfin dans l'entrée de l'école qui lui ouvrait ses larges bras titanesques, pour mieux pouvoir les resserer et l'étouffer par la suite dans un tissu complexe de règlements qu'elle s'empresserait d'enfreindre - en fumant dans sa chambre ou en couchant avec le premier tueur en série qui passerait sur son chemin... Bah oui, elle était comme ça, Taruccah... Surtout avec les tueurs en série, en fait. Elle secoua la tête et se rendit compte qu'elle était décidément blasée par la grandeur de ce qui l'entourait. Sa solitude quasi permanente l'avait habituée à se sentir infime par rapport à tout, les bâtiments, les autres, les dindonneaux comme les esturgeons... Elle chercha du regard si elle pouvait trouver quelqu'un pour lui filer un simple coup de main, histoire qu'elle sache où aller, maintenant qu'elle croupissait sur place. Pendant une seconde, elle se prit à espérer puis secoua la tête afin de réaliser toutes les démarches d'elle-même lorsqu'elle entendit qu'on s'adressait à elle.

Maddison venait de se réveiller, dans la salle des professeurs; presque midi. Le canapé était très confortable et sa main était en piteux état. Elle ne retournerait pas à l'infirmerie, elle était plutôt déterminée à foncer à l'hôpital. Elle retrouva aisément sa chambre et prit une douche avant de se changer et d'appliquer un bandage sur sa main gauche. Elle dut le changer trois fois, car à chaque fois, Maddy le tâchait, ou se trompait dans les attaches. Enervée, elle le fixa avec du scotch. Elle enfila un vieux jean usé jusqu'à la trame à divers endroit, un T-shirt jaune vif, tombant sur ses épaules et sa fidèle paire de converses turquoise. Agrippant son sac à main bleu, plutôt grand, elle fourragea son carnet de santé et son porte-feuille à l'intérieur avant de claquer la porte, nerveuse. Tout en marchant dans le couloir, elle essayait de se rappeler de la journée mouvementée de la veille. Mais elle ne revit que quelques visages, les sons de leur voix étaient plutôt flous. Une petite fille, une jeune femme et Dawn. Mina également. Un visage à oublier. En repensant à Dawn et la petite fille, Maddison avait les larmes aux yeux. Elle était vraiment en colère contre elle-même à présent: elle avait oublié son prénom. De colère, de désespor, elle frappa une vitre de l'entrée avec sa main blessée. Elle étouffa aussitôt un cri de douleur lorsqu'elle aperçut une jeune fille.

*Une nouvelle? J'ai pas le temps... Bah va falloir le prendre pourtant!*

Maddison s'approcha près de la jeune fille et chuchota, pour cacher sa colère:

- Je peux t'aider?

*Elle a l'air un peu perdue...*

Taruccah avait cessé d'espérer depuis un bon moment et était partie pour chercher un plan, un détail qui l'aiderait à se retrouver. Après tout, chaque fois qu'elle entrait dans un nouvel établissement, quel que fut le pays, elle devait passer par les mêmes endroits (Surveillants, secrétariat, proviseur-adjoint, proviseur, chambre, etc, etc...)
Lorsqu'elle se mit donc en quête de cette aide, une inopinée vint la tirer de sa torpeur (Parce qu'elle était un peu passive, la Taru...)

Du coup, elle lâcha son sac, se le prit sur les pieds, le ramassa rapidement et sourit faiblement à la femme qui l'avait abordée. De l'aide, si elle en avait besoin ? Pas tant que ça, finalement mais un coup de main est toujours le bienvenu. Elle fit la gentille, fallait bien qu'elle évite de se faire remarquer... La jeune femme n'était pas vraiment vieille, juste assez pour être une prof ou une membre de l'administration (Concierge ?), elle avait un T-Shirt jaune pétant informe, que jamais Taru n'aurait songé à acheter, et un vieux jean délavé. Elle avait une certaine forme de classe là-dedans, en fait. Taruccah plissa un peu les yeux et répondit, sa voix rauque mais légère :

- J'veux bien... J'sais où j'peux trouver l'numéro d'ma chambre, dit-elle, un peu rapidement.

Maddison, le visage crispé, se détendit soudainement. Une élève. C'était une élève. Elle en avait assez des autres arrivants qui la prenaient de haut, sans se douter une seule seconde qu'elle était professeur ici. On l'avait pris une seule fois pour une élève, pas deux. Elle lui sourit gaiement, et aurait voulu lui poser la main sur l'épaule. La jeune fille semblait un peu nerveuse, surtout au moment où elle fit tomber son sac. Tout en la fixant intensément, elle se demandait bien comment on faisait pour avoir une chambre ici.

*Haaa mais oui! Comme pour Nozomi... J'suis bête...*

Maddy montra, de sa main valide, le secrétariat.

- Ecoute, t'as juste à aller là-bas, tu demandes une chambre en montrant ta feuille d'inscription, qui certifie que tu es inscrite ici. Ils te donneront une clé, avec le numéro de ta chambre et je pourrais t'y accompagner, si tu veux bien sûr... ajouta-t-elle, un large sourire aux lèvres.

Maddison lorgna discrètement vers le grand escalier qui menait aux dortoirs. Sa main bandée pourrait attendre et de toute façon, elle irait sûrement seule. Aucune chance que Dawn ne tombe sur elle en chemin. Et si elle le rencontrait, elle aurait droit à un "je te l'avais bien dit!", car elle n'avait cessé de tripoter ses pansements, ainsi que sa plaie. Jetant un oeil à la pendule, elle remarqua également qu'elle devrait manger, dans peu de temps. Mais Dawn serait sûrement au self. Elle devrait donc prendre un sandwich en ville, pour ne pas se faire remarquer. Mais peut-être faudrait-il montrer à la jeune fille où était le self...

- Tu t'appelles comment?

La jeune femme se détendit soudain lorsque Taruccah parla et tripotait un pansement sur sa main. C'était un genre de blessure de guerres, auxquelles Taruccah avait eu droit elle aussi, bien des années auparavant. A partir d'un certain point, on finit par accepter d'être enfin raisonnable et les blessures cessent alors d'entailler les bras, les jambes et tout ce qui s'atteint facilement lors de bagarres de filles...

Taruccah tendit une main amicale mais distante et répondit :

- Je m'appelle Taruccah et vous ? Vous devez être professeure ici, je me trompe ? Je veux bien être accompagnée, j'en ai marre d'être seule.

Elle en avait réellement marre. Elle aimait sa solitude mais sentait à cet instant un besoin irrépressible de la rompre enfin.

Maddison tendit sa main droite, valide. C'était désagréable de serre un pansement, surtout que le sien commençait à se tacher de sang, elle le sentait très bien.

*Joli comme prénom... Taruccah...*

- Je suis Maddison Musk, prof d'espagnol... Les autres langues, on verra ça plus tard... ajouta-t-elle en souriant.

Elle lui serra doucement la main et frissonna. Le hall n'était pas chauffé apparemment, et son T-shirt ne lui suffisait pas. Tout en jetant un oeil aux affaires de la jeune fille, elle lui dit:

- Tu veux que je porte quelque chose? Ma main droite est libre, je peux prendre un sac si tu veux...

Son T-shirt tomba un peu plus sur son épaule, elle se dépecha de le replacer correctement. Quand elle n'avait pas cours, Maddy était habillée plutôt décontractée, mais lorsqu'elle travaillait, elle changeait complètement d'apparences. Etonnant de sa part, mais elle préférait faire la part des choses. Examinant les vêtements de Taruccah, elle repensait à son adolescence, qui n'était pas si lointaine que ça et Maddison sourit gaiement.

Taruccah saisit son sac, elle n'avait pas grand-chose si ce n'était une veste de cuir noir et un autre sac pendu à son épaule. On ne s'encombre pas quand on ne veut rien perdre. Elle se tint soudainement très droite et inclina légèrement la tête, d'un air inconsciemment hautain. Elle ne regardait jamais personne de haut, elle n'avait pas suffisamment d'amour-propre pour ça mais sa présence était telle et son charisme si grand qu'elle intimidait beaucoup. En fait, ça ne l'arrangeait pas parce qu'elle n'avait pas vraiment d'amis à cause de ça.

Elle sourit bizarrement à Maddison et fit avec un mouvement de tête qui fit tourbillonner sa chevelure ondulée :

- Nan, ça ira, merci bien !

Et elle se mit à marcher en direction d'escalier.

Dawn avait mal à la gencive supérieure et il n'avait pas cessé de la frotter depuis la veille. En plus, il n'avait pas eu l'occasion de beaucoup dormir; juste d'un sommeil court et agité sur un canapé inconfortable. Dans la chambre qu'il avait sommairement amménagé pour la petite, il l'avait entendu se réveiller très tôt et babiller étrangement comme si elle cherchait à mettre en oeuvre une étrange incantion de magie noire. Il avait beaucoup galéré pour la faire manger et il avait dû se dépêcher de la poser chez sa nourrice en plus de son frère au lycée avant de revenir ici. Dans le hall, il décida qu'il n'en pouvait plus. C'en était trop. Il avait vraiment un mal fou à s'habituer à la présence de sa fille. Seth, lui, s'en sortait bien de le rôle de l'oncle bienveillant... Pas lui dans son rôle de père présent. Camélia allait regretter un tel choix pour sa petite. Etait-elle vraiment sûre qu'un raté tel que Dawn O'Hannigan puisse être le père d'une si jolie et douce enfant ? Humm, fallait bien qu'elle file son rejeton à quelqu'un de toute façon.

Maddison était dans l'entrée, ainsi qu'une élève. Nouvelle ? Elle en avait l'air. Il avança, un peu perplexe et les salua, plus froidement pour l'élève parce qu'il ne voulait pas créer de liens.

Maddison fut soulagée que Taruccah ne lui demande pas de porter ses affaires, mais ne le montra point. Sa main gauche la faisait souffrir et elle se sentait épuisée. Elle sentit presque un regard hautain de la part de la jeune fille et pinça ses lèvres. Fatiguée, elle n'avait pas envie de se prendre la tête avec une élève. Maddy allait la suivre vers les escaliers, mais elle vit une personne à quelques mètres d'elle. Elle la reconnut immédiatement.

*Mince! Ma main! Mais il est pas censé s'occuper de... Zut! Son prénom! Mais j'ai pris des somnifères ou quoi? Y'a un rapport avec le Royaume-Uni... Ireland... C'est ça? Mais qu'est-ce que fait Dawn ici? C'est presque midi...*

Glissant sa main bandée dans la poche arrière de son jean, elle sourit et fit un signe discret pour montrer à Dawn qu'elle allait conduire la jeune fille au dortoir. Tout en avançant, elle lui fit signe de venir avec elle.

- Viens Dawn, chuchota-t-elle, s'il te plaît...

Un large sourire aux lèvres forcé, Maddy se demandait si Dawn avait mangé. Il serait peut-être plus calme... Quoi que... Elle croisait les doigts, intérieurement, pour qu'il ne remarque pas ses cernes, ses traits tirés, sa main cachée, ses yeux rouges, son regard perdu. Trop de choses qui ferait qu'elle serait prise la main dans le sac rapidement. Elle n'aurait pas du l'appeler, car elle devait aller à l'hôpital, et elle ne voulait pas qu'il soit au courant. Qu'il sache qu'elle était incapable de prendre soin d'elle correctement. Que, si elle était aussi maladroite, ce n'était pas de sa faute et qu'elle était pareille avec tout le monde. Avec les enfants.

Maddison fut surprise de la réaction de Dawn et resta bouche bée devant lui. Sans se dégager de sa main, elle tourna la tête vers Taruccah et lui dit:

- Tu montes les escaliers, et tu longes le couloir jusqu'au bout. Là tu trouveras un panneau qui explique comment te rendre à ta chambre. Bonne journée Taruccah!

Se tournant vers Dawn et faisant mine d'oublier sa question:

- T'as l'air aussi fatigué que moi, Dawn! T'as mangé?

Sa main gauche restée dans sa poche arrière, elle enleva sa main valide de celles de Dawn et la glissa sur sa joue. Plus aussi douce que la dernière fois. Cette pensée la fit sourire et illumina son visage cerné. Elle paraissait plus âgée que son âge lorsqu'elle avait des cernes comme aujourd'hui. Mais, pour le moment, elle s'en fichait.

- Tu devrais aller t'allonger dans la salle des profs, le canapé est pas trop mal!

*Première bourde! Allez, ça commence bien! Il n'est pas censé savoir que j'ai dormi dans la salle des profs, comme une clocharde! Peut-être qu'il a juste compris que je m'étais assise un jour... En plus, il a bien vu que je gardais ma main dans mon dos! Je le prends vraiment pour un con des fois... Autant vite changer de sujet, Dawn risque de revenir dessus dans quelques secondes!*

Tout sourire, Maddy embrassa Dawn, tendrement, sur les lèvres, comme pour effacer ses gaffes. Fermant ses jolis yeux verts, elle repensait à ce qu'elle voulait savoir depuis tout à l'heure. S'arrachant lentement à cette courte étreinte, elle chuchota, avec un petit sourire:

- Mais... ça c'est bien passé avec Ireland cette nuit? Elle t'en a fait voir de toutes les couleurs?

Mina les regardait depuis quelques minutes. En fait, elle voulait parler à Maddison. Mais l'arrivée de Dawn avait tout gâché. Cette Maddy était incapable de s'occuper d'elle-même, comment s'occuperait-elle d'un homme aussi magnifique que Dawn O'Hannigan? Elle les avait écoutés la veille, lorsque Maddison et Dawn étaient sorti de l'infirmerie précipitament, oreille collé contre porte.

*Assumer un enfant? Faudrait déjà s'occuper de soi-même correctement avant ça... Elle en est incapable cette garce!*

Elle s'avança timidement vers le couple, décidée à ouvrir un peu sa grande gueule. Soigneusement coiffée, manucurée, maquillée, habillée, elle paraissait plus pimpante que Maddison, qui faisait tâche à côté d'elle avec ses cernes. Sa blouse blanche, son insigne collée à droite indiquant son nom et sa fonction au sein de l'établissement, sa jupe blanche qui dépassait lui donnaient un petit air soigné, qu'elle aimait par dessus tout.

- Bonjour Mr O'Hannigan, Melle Musk... ajouta-t-elle en souriant gauchement à Maddy et en insistant sur le "mademoiselle". Enchantée de vous connaître, nous n'avons pas encore eu l'occasion d'être présentés. Je suis Melle Soma. Mina Soma, l'infirmière du pensionnat, minauda-t-elle. Nous sommes collègues, je peux vous faire la bise, comme en France!

Tout en jetant un regard pleins de sadisme à Maddison, Mina posa une mains sur le bras gauche de Dawn et lui fit une bise sonore des deux côtés, avant même qu'il ait pu décocher un seul mot.

*Ca, c'est fait... Un point pour moi?*

Dawn s'apprêtait à riposter à l'aide d'une exceptionnelle réplique pleine de littérature et d'amertume journalier, un truc du genre doux, comme de la prose, et très piquant, comme les épines de vers. Malheuresement, il dut ranger cette longue tirade de plus de sept mots dans sa poche car il fut bientôt interrompu par l'arrivée de Mina Soma, l'infirmière du lycée, ainsi qu'elle se présentait. Juste à temps pour qu'elle n'entende rien, il lança dans un murmure à l'adresse de Maddison :

- Tu perds rien pour attendre !

Elle se présenta, toute minaudant, et posa une main sur son bras, ce qu'il sentit comme étant amical. N'étant pas d'humeur plus amicale que d'habitude, toujours très détaché et distant, il se retira légèrement et inclina la tête en signe de salut en balbutiant un borborygme proche du "bjrge" mais qui s'avérait n'être que "bonjour". Il n'était pas très friand de population. Il songea à se retirer en toute discrétion, il aurait toute l'occasion de parler à Maddison plus tard. D'ailleurs, Taruccah n'avait sûrement pas suivi ce qu'avait rapidement répondu Maddison. Il songea à l'accompagner à sa chambre. Elle avait l'air aussi babillarde que lui, c'était génial. Rester signifiait parler d'Ireland avec Maddison et il n'avait pas franchement envie de parler de sa petite fille devant elle, alors qu'elle s'habituait sûrement à peine à ce qu'il soit père.

Il s'adressa alors à Taruccah :

- Viens, je vais te montrer le chemin...

Et il planta sa petite amie et l'infirmière derrière lui.

*Haaa la pétasse! Je vais la fusiller direct, ça va être vite vu! Nan mais pour qui elle se prend? Mais elle gâche tout! Je devrais la remercier quand même... Dawn est parti, il va oublier ma main assez vite même s'il m'a "menacé"...*

Maddison n'appréciait pas Mina. Cela se sentait à présent. Seule, face à elle, elle la toisait. Une envie de lui cracher sur ses maudites chaussures la tenaillait. Tremblant de rage, elle n'aimait pas qu'on touche de cette manière Dawn. Elle lui avait touché le bras! Et aussi... Une veine tentative d'approche, via une bise... Minable, pensa-t-elle.

- Bonjour Mina. Tu tombes bien, justement. Tu vois, ton pansement minable que tu m'as fait hier... Hé bien, c'est pas terrible... Tu vois, je pense avoir choppé la gangrène, je vais montrer ça au proviseur, il sera peut-être de mon avis... Tu es vraiment infirmière ou tu fais semblant, rien que pour amasser un peu d'argent? ajouta-t-elle, le regard fixé sur son insigne.

Accuser à tort Mina était une bêtise monumentale mais si Maddison voulait que Mina dégage, elle ferait tout pour. C'était sa faute à elle si sa main était presque infectée. Elle n'avait pas pris soin d'elle. C'était complètement immature de sa part de rejeter la faute sur Mina Soma. Mais Maddy avait une dent contre elle. Pas qu'une dent, tout compte fait.

- Minable ta tentative avec Dawn. Tu ne le connais pas, ça se voit très bien...