Talentueuse infirmière...

Maddison aurait volontiers frappé Dawn après sa dernière phrase.

*Et alors? Tu l'aimais aussi Camelia... Et ça ne t'a pas empêché de...*

Elle fit un effort. Comme d'habitude. Pour se retenir de l'insulter, de le frapper, de pleurer, de hurler. Elle préféra se mordre la lèvre et lever la tête vers Dawn.

- J'ai pas envie de te perdre Dawn. Je t'aime, chuchota-t-elle. Je ferai n'importe quoi pour toi, là, maintenant. Et tu ne t'en rends même pas compte. Si tu me demandais de partir avec toi, je le ferai. Quite à tout perdre ce que je venais de construire. Si tu me demandais d'élever ta fille, je le ferai comme si c'était la mienne.

Maddy lui sourit timidement, même s'il en avait perdu l'envie. Ne pas laisser tomber, se raccrocher à chaque idée possible. Peut-être qu'en aillant dit cela, Dawn prendrait peur. Ce n'était pas son genre de s'attacher autant à quelqu'un.

- Tu vas emmenager avec Camelia et ta fille?

Question anodine. Maddison espérait bien que la réponse serait négative mais elle ne pouvait en vouloir à Dawn de choisir cette option. Et elle ne pouvait lui en vouloir. Dawn et Maddison n'étaient pas mariés, et d'ailleurs, ils n'avaient jamais couché ensemble.

Il écouta sans broncher la déclaration de Maddison, se sentant encore plus coupable après ça. Est-ce qu'il ne se rendait pas compte qu'elle ferait tout pour lui ? Bien sûr qu'il s'en rendait compte, ce n'était pas un débile profond. Il la regarda un instant, prêt à la couper dans ses paroles pour lui dire que lui aussi était fou amoureux d'elle. Elle lui posa une question à laquelle il ne s'attendait pas. Emmenager ? Avec Camelia ? Et sa fille ? Cette question le surprit tellement qu'il faillit éclater de rire. Il avait pensé qu'elle songerait à le quitter uniquement parce qu'il lui avait caché - malgré lui - sa fille et son passé avec Camelia.

- Maddy, dit-il en souriant presque de bonheur qu'elle ne se soucie que de ça. J'ai pas l'intention de te plaquer, tu es folle. Je pensais que...

Il avait vraiment très envie de rigoler mais, apparemment, Maddison n'était pas du même avis que lui et il ne voulait pas lui manquer de respect.

- Je pensais que c'était toi qui me quitterait. Parce que tu n'aurais... je sais pas, moi... Accepter que j'aie déjà un enfant avant d'en avoir avec toi.

Il marqua une pause, tout en essayant de reprendre son calme, haussant ainsi parfois les sourcils dans un air de profonde stupéfaction. Puis, reprenant son sérieux, parce qu'il avait envie de la rassurer (N'oublions pas, après tout, qu'elle était à l'infirmerie après une blessure et que, même si Dawn ne le sait pas, elle s'est fait agressée moralement par l'infirmière...) Il prit sa main atrophiée et la caressa doucement, histoire de s'assurer que ça ne lui faisait plus tellement mal.

- Je ne te quitte pas. Je veux simplement reconnaître ma fille à mon nom. Camelia fait partie du passé. Je... Je sais que ça te fait peur quand je te dis que je serais parti, sans mon frère. Mais sans lui, je ne t'aurais pas connue parce que je n'aurais pas dû chercher du boulot dans ce pensionnat. Si je pars demain, tu pars avec moi. Tu me l'as dit. Camelia m'a dit qu'elle ne voulait pas me suivre, j'ai fait le choix de la quitter, ça m'a vraiment fait chier de la laisser toute seule - surtout qu'elle était enceinte. Toi, je ne te laisserai pas.

Maddison sentit des frissons lui parcourir le dos lorsque Dawn prit sa main blessée. Elle avait encore un peu mal et cette infinie douceur lui aurait donné envie de pleurer. Elle leva la tête vers lui, contente de ce qu'il venait de dire et lui sourit. Elle ne s'était même pas forcée, c'était venu naturellement. Glissant sa main valide sur la joue du jeune enseignant, Elle réfléchit un instant.

*Il a bien dit "avant d'en avoir avec toi"? Donc il pense que... Héhé... Il est adorable... Et pas trop con... Il y a sérieusement pensé...*

Elle finit par murmurer:

- D'accord Dawn... Je te fais confiance...

Sa main retomba doucement sur la cuisse de Dawn et elle lui sourit, tendrement. Il l'avait suffisament rasusrée pour le moment. Un peu troublée, elle aurait sûrement d'autres questions, mais pas pour le moment. Pour l'instant, elle était fatiguée. Faire autant d'effort l'avait complètement achevée. Affronter une vieille amie et le passé de son petit ami l'avait épuisée, moralement.

Histoire de lui faire comprendre que tout ce qu'il disait était parfaitement réfléchi et sensé, histoire aussi qu'elle sache qu'il était là pour elle si elle avait quelque chose à lui confier, il l'embrassa tendrement. Il était avec elle, pas avec Camelia. Il lui sourit alors timidement, parce qu'il était aussi timide qu'associal, et ajouta :

- Je suis content que tu me fasses confiance.

Il songea à se lever et à la raccompagner parce qu'elle était probablement un peu fatiguée de toutes ces émotions. Il lui demanda néanmoins :

- Est-ce que ta main te fait mal ? Tu ne m'as toujours pas dit ce que tu avais fait pour te faire aussi mal !

Il avait adopté un ton de reproche mais ponctué d'amusement. Il avait envie qu'elle rie un peu après ce qu'il venait de lui dire.

- Je te ramène ? demanda-t-il, un peu macho, comme les play-boy de sitcoms américaines.

Maddison sourit gaiement à Dawn, après un tendre baiser, qui l'avait plus que réconforté. Son sourire s'élargit lorsqu'il lui demanda, avec un petit effet machiste dans son propos, s'il devait la ramener.

- Oui, ramène-moi, cow-boy, je vais me changer, je sais pas si tu as remarqué que j'ai fichu en l'air mon T-shirt...

Elle jeta un oeil à sa main et chuchota, honteuse:

- J'ai voulu couper une feuille, mais je n'avais pas de ciseaux... Alors j'ai pris le coupe-papier... Mais il fonctionnait bizarrement et il a dérapé sur ma main... Heureusement, c'est ma main gauche, je suis droitière, ça m'aurait gêné plus qu'autre chose...

Fallait bien que ça lui arrive. Si maladroite, Maddison avait eu juste le temps de prendre un mouchoir et d'envelopper sa main dedans. Mais complètement paniquée par tout ce sang, elle avait plaqué sa main contre son coeur et avait sali son T-shirt. Un petit sourire aux lèvres, elle regarda sa main et soupira.

- T'es vraiment pas maline, je suis désolé, sourit-il gentiment. La prochaine fois, tu appeleras un homme fort et puissant pour ce faire, pas vrai ? ajouta-t-il en bombant le torse comme s'il était Hulk.

Depuis qu'il était avec elle, il se sentait plus bavard. Autrefois, il parlait plus. Beaucoup plus. En Chine, par exemple, Camelia lui avait simplement demandé de parler plus quand ils étaient ensemble et il avait de gentils efforts. Est-ce que Mad avait, elle aussi, envie qu'il parle plus de lui ? Parce qu'il savait bien qu'il était pénible, parfois, à toujours se taire et à laisser les autres parler dans un air de complète indifférence. Ils marchaient dans les couloirs de l'école, lentement, côte à côte. Dawn devait rentrer chez lui. Seth l'y attendait et une pile de dossiers aussi. Les cours n'avaient encore pas commencé mais il fallait qu'il se mette au boulot.

- File te changer, petite... fit-il à sa petite amie sur un ton paternaliste.

Maddison sourit à Dawn, elle ne pouvait s'en empêcher. Il était craquant, comme ça et elle n'aurait rien voulu échanger contre lui. Rien. Leur vie allait changé, elle le sentait, mais ils feraient des efforts tous les deux. Et ils parleraient plus tard. En ce moment même, Maddy voulait se changer, elle était poisseuse de sang. Elle glissa un bras dans le dos de Dawn et lui effleura les lèvres.

- Donc, la prochaine fois que j'ai besoin de quelqu'un pour couper un bout de papier, je t'appelle directement. Promis Dawn...

Un large sourire aux lèvres, elle prit un autre couloir, pour accéder à sa salle de bain. Elle avait envie de décompresser un coup. Les évènements qui suivraient aller la bouleverser, elle le sentait. Et cette jupe était décidément trop vulgaire. Elle ne la mettrait plus pour se promener dans le pensionnat. Elle se changea et prit une douche, avant de se changer. Elle ferait un saut à l'hôpital plus tard. Elle n'avait pas encore fini de s'installer dans sa chambre.

[Tu cherches à peine les compliements, tsss...]

- Je dois y aller, Maddy ! fit-il tranquillement. J'ai des dossiers à finir et mon frère risque de s'impatienter.

Il l'embrassa furtivement sur la joue et espérait qu'elle lui pardonnait les paroles un peu trop blessantes qu'il avait pu avoir depuis leur rencontre, mais surtout de ce soir-là.

- Dors bien et surtout, sache que je t'aime, acheva-t-il avant que son ombre ne s'évanouisse dans l'obscurité du couloir.